Dentition et alimentation chez les animaux

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Dentition et alimentation chez les animaux

L'alimentation des animaux ne dépend-elle que de la dentition ou y-a-t-il d'autres facteurs ? (Est-ce que le kangourou a la même mâchoire que la vache? Pourtant, la poule et le cochon sont omnivores et n'ont pas la même dentition.)

Mon 09/10/00 - 14:00

Vos questions soulèvent de très nombreux problèmes que je vais survoler brièvement. Chacun d'eux mériterait un long développement.

1) Le fait d'être un animal mobile (cas général) ou fixé (éponges, polypes, certains vers, certains mollusques comme l'huître, la moule...) a de nombreuses conséquences.

  • Pour les animaux mobiles, la recherche de l'aliment précède ce qu'on appelle la prise de nourriture. Interviennent dans cette recherche, la prospection du milieu, la détection par les organes sensoriels (vision, olfaction...), parfois la gustation préalable à la prise de l'aliment et à l'ingestion.
  • Pour les animaux fixés, l'aliment doit être amené par le milieu, qui est généralement l'eau. L'aliment est sous forme de particules en suspension (plancton, particules résultant de la dégradation de cadavres...), un courant d'eau convergeant vers la bouche est provoqué par l'ondulation des flagelles de la surface des cellules internes spécialisées (éponges) ou le battement des cils de la surface des cellules externes (par exemple les cils des branchies des huîtres). Les particules alimentaires amenées par le courant d'eau sont piégées par un système filtrant. Si elles sont très petites par rapport à l'animal, elles sont ingérées tel quel, il n'y a aucun dispositif masticateur (éponge, huître...). Mais si leur taille est du même ordre de grandeur que l'animal, elles sont soumises à un traitement mécanique (broyage) préalable.

    2) Certains animaux mobiles s'alimentent également de particules en suspension dans l'eau qu'ils filtrent (larves des moustiques, flamants roses...). D'autres ne s'alimentent que de liquides: sève (cigales, pucerons...), nectar (abeilles, oiseaux-mouches...), sang (femelles des moustiques, mouches tsé-tsé, certaines punaises, des chauves-souris d'Amérique du Sud appelées vampires...). D'autres sont parasites et vivent sur ou dans d'autres êtres vivants, donc au sein de la nourriture.

    3) Les animaux autres que ceux cités ne mâchent pas forcément leur aliment. Plusieurs cas et sous-cas:

  • L'aliment est ingéré tel quel, sans fragmentation préalable: beaucoup de vertébrés prédateurs, comme la plupart des poissons, les amphibiens, les reptiles.
  • L'aliment est fragmenté avant l'ingestion (par la bouche) - cas très fréquent: crustacés et insectes à pièces buccales broyeuses, mammifères. Dans ce dernier cas, la plus petite taille des particules permet une digestion plus rapide par les enzymes du tube digestif
  • La fragmentation se fait après l'ingestion, dans un gésier masticateur
    - cas de beaucoup d'oiseaux. Chez divers crustacés (écrevisse, homard...) et insectes (blattes, grillons...), les aliments sont rapidement découpés par les pièces buccales avant ingestion, puis triturés et broyés dans un gésier.
  • La digestion peut commencer avant l'ingestion quand l'animal découpe et triture l'aliment - cas de divers prédateurs (araignées, scorpions, certains insectes). Dans ce cas, des sucs digestifs sont émis par la bouche sur la proie ou/et dans son corps. Puis, tout est avalé.

    4) Pour les animaux mobiles qui broient leur aliment avant de l'ingérer, la forme des pièces buccales, en particulier des mandibules (pour les crustacés et insectes broyeurs), et celle des dents (pour les mammifères) est fortement corrélée au mode de prise de nourriture et aux propriétés physiques de l'aliment. Exemples:

  • L'examen attentif des denticules coupants et les crêtes broyeuses des mandibules de plusieurs espèces de criquets permet au spécialiste de prédire si l'insecte s'alimente de feuilles de graminées, très abrasives, ou de plantes grasses aux tissus plus mous - prédiction confirmée par l'observation de leur régime alimentaire dans la nature.
  • Les mandibules de deux insectes bien différents comme la libellule et la mante religieuse, mais s'alimentant tous deux d'insectes au tégument assez dur, sont quasiment identiques: exemple de convergence biologique.
  • Les molaires de deux mammifères bien différents comme le kangourou (marsupial) et la vache (placentaire), mais s'alimentant tous deux de plantes à tissus abrasifs, sont assez semblables par leur forme et leur mode de croissance - bien que les dentures soient différentes: autre exemple de convergence biologique.

    5) En réponse plus précise à votre question: la denture (d'un mammifère) ou la forme du bec (d'un oiseau - penser au gésier) ne sont pas les seuls caractères impliqués dans l'alimentation. Une fois l'ingestion effectuée, encore faut-il :

  • que l'aliment ne soit pas toxique pour l'animal
  • qu'il soit digéré efficacement

    >>>>> importance de la panoplie des enzymes digestives, variable d'un groupe d'animaux à l'autre - cette panoplie est très proche chez le porc et l'homme, tous les deux omnivores: autre exemple de convergence biologique.

    >>>>> particularités de certains aliments

    Exemple 1: tissus végétaux très riches en cellulose - nous ne la digérons pas, au contraire
    (1) des escargots et des limaces dont la glande digestive sécrète des enzymes cellulolytiques -
    (2) des mammifères ruminants dont la panse est un véritable fermenteur naturel avec des micro-organismes symbiotiques -
    (3) des termites qui, selon les espèces, hébergent des micro-organismes symbiotiques (différents des précédents) dans la partie postérieure de leur tube digestif ou qui cultivent des champignons digérant la cellulose.

    Exemple 2 : aliments à composition très déséquilibrée, comme le sang, la sève (voir plus haut), la laine (consommée par les mites). Dans ces cas, des micro-organismes symbiotiques apportent des facteurs vitaminiques indispensables.

    J'arrête ici.

  • ven 13/10/2000 - 03:01
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