Que faire en cycle 3 dans le domaine de l'énergie ?

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Que faire en cycle 3 dans le domaine de l'énergie ?

J'ai décidé de présenter une séquence issue de Lamap car je trouve la démarche très intéressante et essaie de la mettre en application le plus souvent possible. Je présente une séquence sur l'énergie.
Dans la séquence 2 séance 2 (l'énergie d'un objet situé en hauteur); je ne vois pas comment présenter cette séquence dans l'objectif de montrer que le déplacement d'un objet est aussi source d'énergie vu que je la perçois plus comme une transmission.
De plus le fait d'indiquer qu'il doit s'agir d'un objet qui descend, ne limite-t il pas l'enfant dans sa recherche, vu qu'il peut se produire le même phénomène avec des objets placés à plat (ex:autos tamponneuses, jeu de billes)? Quel est l'enjeu de l'objet qui perd de l'altitude?
Est ce que la voiture qui descend la pente utilise ou produit de l'énergie ?
J'ai déjà animé la séance 1 (le vent comme source d'énergie), beaucoup d'élèves se sont contentés de souffler sur un morceau de papier ou d'accrocher un carton avec deux ficelles et de les secouer à chaque extrémité. Ils ont bien soulevé un objet grâce au vent, alors je leur ai dit qu'il devait pouvoir rester en hauteur ( exemple de la grue). Comment puis-je être plus précise dès le début?
Par avance, un grand merci de bien vouloir répondre à mes interrogations.

Sun 09/12/01 - 13:00

Les questions que vous posez sont très vastes et appellent à la fois des éclaircissements scientifiques et des éléments de réflexion didactiques.

I- Sources d'énergie.

Pour autant que je sache, ces termes ne renvoient pas à une définition scientifique précise. Ils sont plutôt issus du contexte socio-économique : il faut se chauffer, s'éclairer, se déplacer, faire la cuisine, laver le linge. Les dispositifs techniques mis en œuvre sont plus ou moins transparents à l'utilisateur. Mais dans tous les cas, il y a, à l'origine, une source matérielle constituant la matière première (la ressource utilisée). Par exemple, pour se chauffer, on peut faire un feu dans sa cheminée. On identifie très bien la "source d'énergie", ici le bois. On peut aussi enclencher un bouton sur un radiateur électrique. Les choses sont ici plus diffuses. En remontant la chaîne technologique on arrivera à des centrales de production d'énergie électrique qui fonctionnent grâce à des ressources diverses (uranium, gaz naturel, pétrole, retenue d'eau). Je crois qu'on peut assimiler l'expression "source d'énergie" à "ressource énergétique". Ainsi, les ressources en énergie sont les combustibles chimiques classiques, les réactifs nucléaires, le Soleil, les marées, le vent, les retenues d'eau (il n'est guère possible d'être exhaustif). Certaines d'entre elles sont "renouvelables" à l'échelle de l'homme (le vent, les retenues d'eau sont des ressources qui se renouvellent).
II- Formes et transferts d'énergie.
Le milieu du XIXème siècle a vu se constituer un formalisme qui fournit un cadre de pensée unifié à un ensemble de domaines qui, jusqu'alors, constituaient des champs de connaissances indépendants (les lois du mouvement, l'électricité, la science de la chaleur, la chimie). Il postule l'existence d'une grandeur appelée "énergie" qui peut se présenter sous différentes formes et qui obéit à un principe de conservation. L'énergie n'est ni créée ni détruite. Si un système semble "gagner" ou "perdre" de l'énergie, c'est qu'il en a échangé avec un autre système. Partant de là, on a coutume de distinguer deux composantes :
- les formes d'énergie qui se stockent dans des systèmes matériels nettement identifiés (l'énergie cinétique est une forme d'énergie, stockée dans les objets en mouvement ; l'énergie chimique est stockée dans les réactifs chimiques ; etc.)
- les transferts qui s'effectuent entre les objets (la chaleur est un transfert d'énergie d'un objet chaud vers un objet plus froid ; l'énergie électrique est un transfert qui s'effectue par exemple de la pile vers l'ampoule ; etc.).
À la différence des sources d'énergie dont on peut se faire une idée intuitive, les formes et les transferts d'énergie sont des grandeurs abstraites que les scientifiques ont décrites par des expressions mathématiques. L'intuition ne joue plus sur un terrain aussi facile et j'ai même pu écrire qu'elle était un obstacle à la construction du concept d'énergie dans un article qui pourra peut-être vous éclairer davantage si vous souhaitez approfondir à la fois cet aspect scientifique et ses difficultés didactiques : Ballini, Robardet, Rolando, 1997, "L'intuition, obstacle à l'acquisition de concepts scientifiques", ASTER n°24, obstacles : travail didactique.

Parmi les difficultés, signalons celle-ci. Les sources d'énergie s'épuisent (exception faite des énergies renouvelables qui, en fait, s'épuisent aussi mais à une échelle de temps bien plus grandes). Les messages publicitaires ne cessent de nous le rappeler. Or, la grandeur énergie se conserve ("rien ne se perd, rien ne se crée"). Est-ce cohérent ? Je ne développe pas la manière de lever cette apparente contradiction. Je n'ai soulevé ce paradoxe qu'afin de montrer l'extrême complexité du concept et pour assurer la transition avec le paragraphe IV : n'est-il pas prématuré de vouloir opérer chez l'élève ne serait-ce qu'un début de construction du concept ?

III- Le déplacement d'un objet et ses rapports avec le concept d'énergie

Tout en ayant beaucoup d'estime et de respect pour les gens qui militent à La main à la pâte et qui proposent des séquences aux enseignants, je dois dire que le document auquel vous faites référence n'est pas clair dans l'utilisation du vocabulaire et principalement dans l'emploi de l'expression "source d'énergie" qui ne renvoie ni à l'expression socio-économique ni à l'expression scientifique.
Ce que l'on peut dire, en essayant d'être rigoureux au plan scientifique est que par rapport à la table sur laquelle vous expérimentez l'objet en mouvement possède de l'énergie cinétique, non parce qu'il descend, mais parce qu'il est en mouvement. Vous avez donc raison sur un point : peu importe que l'objet descende, se déplace horizontalement ou même prenne de l'altitude. Ce qui compte est son mouvement.
Mais un objet immobile au-dessus d'une table possède aussi de l'énergie (par rapport à cette table). En effet, si on le lâche, il va prendre de la vitesse donc acquérir de l'énergie cinétique. Comme l'énergie ne se crée pas, il faut bien admettre qu'il en avait avant d'être lâché. L'énergie d'une masse en altitude porte le nom d'énergie potentielle.
Lorsque l'objet est en train de descendre, il perd de l'énergie potentielle et gagne de l'énergie cinétique (tant que sa vitesse augmente). Il ne s'agit pas d'une transmission (cf. votre message) mais d'une transformation qui affecte un même objet (son énergie change de forme : elle passe de la forme potentielle à la forme cinétique). Si l'on néglige les frottements, la voiture (sans frein ni moteur) qui descend la pente n'utilise pas d'énergie et n'en produit pas non plus. Elle évolue à énergie constante (énergie cinétique + énergie potentielle = constante). Si la voiture a un moteur et qu'elle l'utilise pour acquérir une vitesse supérieure à celle que lui confèrerait sa chute libre le long de la pente, alors elle utilise l'énergie chimique de l'essence pour acquérir de l'énergie cinétique. Si la voiture freine et descend à vitesse constante, alors son énergie diminue (son énergie cinétique reste constante et son énergie potentielle diminue). Puisque son énergie diminue c'est qu'elle en cède à l'environnement (essentiellement sous forme de chaleur à cause des frottements des freins et autre). Dans tout cela j'ai négligé l'échauffement du moteur qui transfère de la chaleur à l'air environnant et encore quelques bricoles de moindre importance.
Comme vous le voyez, tout cela n'est pas facile. C'est même très difficile. Alors que faire dans une classe ?

IV- Que faire en cycle 3 dans le domaine de l'énergie ?
Mon point de vue est le suivant :

1. Laissez tomber toute tentative de définition de la notion.
Dans le déroulement proposé sur le site, je supprimerais personnellement toutes les discussions du genre "peut-on déplacer un objet sans utiliser de source d'énergie ? Qu'est-ce que l'énergie pour toi ? Etc." Elles vont donner lieu à des discussions abstraites où l'énergie ne sera qu'un mot. Pour aller plus loin, je crois qu'on devrait s'efforcer de supprimer le mot "énergie" de notre vocabulaire et de le remplacer par des termes de portée théorique moindre mais mieux adaptés à la description de chaque situation. Par exemple on peut dire que la vitesse du vent provoque la mise en mouvement de l'hélice ou que la lumière du Soleil réchauffe tel objet qui la reçoit. Essayez avec chacun des exemples des séquences proposées, vous verrez que c'est possible.

2. Conservez les défis expérimentaux.
Si je me suis montré réservé sur les formulations adoptées par les auteurs des séquences concernées, en revanche je trouve leurs différents défis expérimentaux tout à fait intéressants. Par exemple, trouver plusieurs façons de soulever un objet avec le vent. Idem avec l'eau qui coule du robinet. Comment mettre en mouvement un objet en utilisant la chute (ou le mouvement) d'un autre objet ? Comment faire briller une ampoule sans utiliser de pile ? Comment chauffer un objet grâce au Soleil ? Etc.
L'intérêt de ces défis, en plus de leur caractère concret, est que les idées des élèves peuvent être validées. Lorsqu'un élève dit "je pense réussir en faisant comme cela", vous pouvez lui répondre "essaye et on verra". Mais s'il vous dit "je ne crois pas que c'est l'énergie du vent qui fait tourner l'hélice" que pouvez-vous répondre d'autre qu'un argument d'autorité ? Et si un plus malin que les autres dit "ce n'est pas l'énergie du vent mais c'est sa vitesse" que répondre ? Dire que cela revient au même est une erreur scientifique. Quant à se lancer dans des explications qui relèvent de la classe de première scientifique, il faut bien admettre que c'est prématuré.

3. Qu'est-ce que les élèves vont alors apprendre ?
En résolvant leurs défis expérimentaux les élèves vont déjà développer leur ingéniosité pratique et technique. Ce n'est pas tout. Ils vont apprendre (surtout si l'enseignant aide les élèves à s'en rendre compte) qu'il y a plusieurs façons d'obtenir un même effet. Pour allumer une ampoule, on peut la brancher sur une pile ou pédaler sur un vélo (muni de sa génératrice). Symétriquement ils vont comprendre qu'à partir d'une même cause on peut obtenir plusieurs conséquences. Le vent peut provoquer le déplacement d'un objet ou, grâce à une éolienne, allumer une ampoule. Le scientifique "voit" sous la diversité des exemples le concept d'énergie, mais ce n'est pas le cas de l'élève et c'est très bien ainsi. Pour autant, il se constitue ainsi une base d'exemples qui l'aidera certainement à construire le concept d'énergie dans sa scolarité ultérieure. Pour prendre une analogie, je ferais un rapprochement avec l'idée selon laquelle il faut d'abord pratiquer la langue (aux cycles 1 et 2) avant de l'analyser et de commencer (prudemment) à faire de la grammaire.

mer 12/12/2001 - 02:01
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