Critique des programmes et des méthodes préconisées

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Critique des programmes et des méthodes préconisées

En lisant les programmes et surtout les documents d'accompagnement, je reste perplexe :


* nombre d' "expériences" me semblent être là uniquement pour "illustrer le cours" et donner une couleur expérimentale et active à l'enseignement. Les termes: "montrer expérimentalement que... ", "constater que...", "mettre en évidence expérimentalement que..." me paraissent fortement inspirés de la fameuse méthode OHERIC: regardez, constatez, concluez ce qu'il faut! Cela ressemble fort d'après moi à la notion d'expérience ultime, celle qui prouve, qui rend les réponses évidentes...
Comment éviter cela sachant qu'on ne peut pas, matériellement, induire une démarche expérimentale sur tout le programme avec le peu d'heures dont on dispose?
* la démarche proposée sur l'évaporation (quand on étend le linge, il sèche) me semble en contradiction avec la MAP: je n'arrive pas à voir comment des élèves peuvent avoir l'idée de faire des expériences avec de l'eau dans une soucoupe en partant d'un problème de linge qui sèche...
et si c'est l'enseignant qui propose, quelle implication des élèves?
quel impact sur leurs conceptions?
* la question de la séparation des variables! Pour moi, elle n'est pas accessible en primaire: il faut prendre en compte des facteurs qui pour l'élève n'influent pas sur le problème! J'ai tenté de le faire sur la germination, c'était artificiel et donc pas convaincant:
le maître demande de faire comme cela, pourquoi, puisque l'expérience "marche"?
S
i on veut que ça vienne des élèves, il faudrait faire suffisamment d'expériences pour que au moins l'une d'entre elles induise la question d'un éventuel facteur non pris en compte...
* que faire quand, par une erreur de manip ou dans le protocole prévu par les élèves, une expérience ne conduit pas au résultat attendu par l'enseignant?
On recommence?
Comment le justifier aux élèves: on fait l'expérience jusqu'à ce qu'on trouve le résultat attendu par le maître?

Bref: comment faire pour ne pas mentir aux élèves sur le statut de leur questionnement, de leur démarche et de leurs résultats?
pour que les élèves construisent vraiment et non re-construisent un savoir connu par une démarche fortement orientée par le but à attendre pour l'institution?

Mon 28/06/04 - 14:00
edith.saltiel@fondation-lamap.org

Bonjour,

Quel long message et vos questions ne sont pas très faciles...
1- En ce qui concerne OHERIC, je suis très surprise par ce que vous dites. Je souhaiterais savoir dans quel document exactement vous avez trouvé cela et à quelle page?
En effet, si je prends le document d'accompagnement "Enseigner les sciences à l'école", je trouve page 7 un paragraphe qui a pour titre "repères pour la mise en oeuvre d'une séquence" avec pour note ceci "dont la démarche répond au schéma suivant: Du questionnement à la connaissance en passant par l'expérience", le mot expérience étant pris ici dans le sens large de démarche expérimentale
d'investigation".
Par ailleurs, page 8, vous trouvez dans le paragraphe "divers aspects d'une démarche expérimentale d'investigation" ceci...
".
Cette démarche s'articule sur le questionnement des élèves sur le monde réel... Ce questionnement conduit à l'acquisition de connaissances et de savoir-faire, à la suite d'une investigation menée par les élèves guidés par le maître". Suivent quelques lignes plus loin une liste qui commence par "expérimentation directe, réalisation matérielle..." et l'observation ne vient qu'en troisième
position.
Du coup, je ne comprends pas vos remarques. Pouvez-vous nous éclairer?
2 - Vous parlez de la démarche proposée sur l'évaporation. Là encore où avez-vous trouvé cela?
Il ne me semble pas que quiconque ait proposé de commencer un module par la question que vous citez "quand on étend le linge, il sèche").
En revanche, lorsque les élèves ont travaillé plusieurs séances sur l'évaporation, il est possible (mais pas obligatoire) d'aborder ce point.
3 - En ce qui concerne la séparation des variables, il y a là
plusieurs problèmes distincts.

Tout d'abord, il y a intérêt à commencer avec les élèves avec des variables indépendantes. Je vous signale à ce sujet une thèse de Yves Flandé intitulée
"Protocoles expérimentaux, tests d'hypothèses et transfert en sciences à l'école primaire". Il a étudié ce problème. Voici son adresse électronique:

yves.flande@limousin.iufm.fr.
Par ailleurs, lorsque l'on cherche à tester une hypothèse et donc à voir si le phénomène étudié dépend ou non de telle variable, il est extrêmement important de faire deux expériences pour lesquelles toutes les variables sauf une (celle que l'on veut tester) ont la même valeur pour les deux expériences.
Certains disent qu'en plus de l'expérience, il faut une expérience témoin. Vous pouvez aller voir le travail d'Hélène Merle qui a fait un rapport pour la recherche main à la pâte lancée à l'INRP (les travaux se trouvent sur le site de l'INRP)
4 - Que faire, dites vous, quand par une erreur de manipulation ou dans le protocole prévu par les élèves, une expérience ne conduit pas au résultat attendu par l'enseignant?
Tout d'abord, il y a intérêt à ne pas multiplier ce type de situation, mais si cela arrive, eh bien, il faut analyser le résultat et c'est bien instructif pour les élèves de se rendre par eux-mêmes qu'il y a une erreur de manipulation ou de protocole. Mais cela dépend aussi si vous faites avant de faire l'expérience analyser par l'ensemble des élèves les manipulations proposées ainsi que les protocoles proposés.
J'ai le sentiment que vous ne croyez pas à une démarche socio-constructiviste.
Je me permets de vous conseiller de lire le livre paru aux éditions Le Pommier "Enseigner les csiences: comment faire?" par Wynne Harlen.
Par ailleurs, vous êtes, semble-t-il, à Lyon. Il y a à Lyon des conseillers pédagogiques qui font la main à la pâte et donc ce qui est inscrit dans les programmes 2002.
Je vais demander à l'une d'elle si elle accepte de discuter avec vous.

Cela vous conviendrait-il?
Bonne journée!

mer 30/06/2004 - 03:01
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Question 1.

Nombre d'"expériences" me semblent être là uniquement pour "illustrer le cours" et donner une couleur expérimentale et active à l'enseignement. Les termes "montrer expérimentalement que...", "constater que...", "mettre en évidence expérimentalement que..." me paraissent fortement inspirés de la fameuse méthode OHERIC:
regardez, constatez, concluez ce qu'il faut!
Cela ressemble fort d'après moi à la notion d'expérience ultime, celle qui prouve, qui rend les réponses évidentes...
Comment éviter cela sachant qu'on ne peut pas, matériellement, induire une démarche expérimentale sur tout le programme avec le peu d'heures dont on dispose?

Réponse :

J'ai recherché les formulations précises que vous mettez en question. J'ai trouvé lesquelles figurent dans les documents d'application (et non d'accompagnement). Elles ne se trouvent donc pas dans les conseils méthodologiques ou de démarche aux maîtres mais seulement dans un tableau récapitulatif des « objectifs du cycle 3 ».
Il va de soi que dans un tableau, les formulations sont plus lapidaires et se concentrent sur le contenu davantage que sur la forme. D'autre part, l'énonciation des objectifs doit être simple et fournir une information « à l'usage seul des maîtres » et « pour leur information ».
Habituellement, un tableau d'objectif s'énonce par « être capable de... », ce qui invite à s'arrêter un moment sur ce que l'on souhaite atteindre. Il ne faut donc pas confondre le résultat à atteindre et le moyen d'y parvenir (qui est « la démarche d'enseignement »).
Je vous accorde à titre personnel que la formulation par « objectifs » est souvent aujourd'hui considérée comme trop limitative, voir à éviter parce qu'elle risque parfois de faire passer au second plan d'autres compétences telles que les savoir-faire méthodologiques ou pratiques par des enseignants qui ne se préoccuperaient que du contenu du résultat, ce qui est quand même très rare.
Cependant, si vous lisez attentivement les documents d'application (attention), vous verrez dans « Du questionnement à la connaissance en passant par la démarche expérimentale » (page 6) que l'esprit des textes officiels est bien celui d'une investigation par l'élève sous la médiation du maître... et non celui d'une expérience « alibi » ou « magistrale ».
La construction de son savoir par l'élève est présente dans la plupart des documents officiels, ce qui demande au maître d'aller soigneusement lire les conseils et ne pas se limiter à la « phrase récapitulative » des tableaux d'objectifs.

Pour votre information, ce rappel des objectifs du programme de sciences expérimentales du cycle 3 : « L'enseignant sélectionne une situation de départ qui focalise la curiosité des élèves, déclenche leurs questions et leur permet d'exprimer leurs idées préalables. Il incite à une formulation précise. Il amène à sélectionner les questions qui se prêtent à une démarche constructive d'investigation débouchant sur la construction des savoir-faire, des connaissances et des repères culturels prévus par les programmes.
Les compétences et les connaissances sont construites dans le cadre d'une méthode qui permet d'articuler questionnement sur le monde et démarche d'investigation.
Question 2 :
On ne peut pas, matériellement, induire une démarche expérimentale sur tout le programme avec le peu d'heures dont on dispose ?
Réponse :

Là encore, en prenant connaissance de l'ensemble des textes officiels (programmes, documents d'accompagnement, documents d'application) vous pourrez constater que l'on ne demande pas au maître de TOUT traiter par démarche expérimentale avec isolement des facteurs, et encore. Si la démarche expérimentale entière et exhaustive est forcément mise en œuvre dans des laboratoires de recherche, elle est dans les classes seulement approchée.
On sait que d'une part, c'est le maître qui « médiatise » par son interaction avec la classe la recherche des facteurs, voire leur sélection (par exemple, le facteur « humidité » de l'air pour l'évaporation n'est pas traité avec un hygromètre donc une mesure de grandeur quantifiable mais seulement avec de l'air « agité » ce qui est une approximation que l'on estime suffisante au cycle 3), et d'autre part, que les enfants ne disposent pas de tous les instruments nécessaires, et qu'enfin, l'essentiel est qu'à ce niveau, les enfants « se trouvent dans la situation du chercheur ». Sans pour autant croire qu'ils sont exactement dans la situation du « vrai » chercheur, puisque ce qu'ils recherchent est, pour la communauté scientifique, connu depuis longtemps !
On souhaite seulement lui faire vivre une « initiation à la recherche expérimentale » et l'on peut imaginer combien l'enfant est heureux de participer à son propre savoir : il ne faut pas oublier que pour l'enfant, les facteurs de l'évaporation ne sont pas connus.
Dès lors qu'il s'agit d'une initiation à la formation logique et expérimentale, il convient seulement de travailler de cette façon pour certains thèmes qui sy prêtent davantage que d'autres, et non de systématiser pour tout le programme (d'ailleurs, certains thèmes comme en astronomie, ne le permettraient pas à l'école faute des outils sophistiqués ou mathématiques nécessaires).
En résumé, ne pas confondre la recherche du chercheur professionnel et l'initiation à la recherche pour l'élève de cycle 3.
Question 3 :
la démarche proposée sur l'évaporation (quand on étend le linge, il sèche) me semble en contradiction avec Lamap.
Réponse :
Je n'ai trouvé nulle part (programmes, doc d'accompagnement, doc d'application) le point de départ que vous citez ???
Il est vrai que annoncé tel que vous le dites, le raccourci est « saisissant ».
MAIS vous devez aussi là encore savoir que le maître s'inspire des conseils développés dans les programmes, introductions des documents d'accompagnement ou d'application où la démarche est «longuement expliquée» (prendre le temps de la lire) et que c'est à lui, enseignant, qu'il revient de mettre en place la ou les situations de départ permettant aux enfants l'investigation et la recherche... et que ces situations peuvent dépendre du vécu de la classe, de remarques d'enfants, de documents à exploiter, etc. et que la logique de l'étude doit être prévue par le maître : donc, un peu d'esprit critique et logique devient nécessaire pour cela.
Evitons de croire que le maître n'est qu'un applicateur sans réflexion. Bien au contraire, il doit constamment être créateur des situations de travail de sa classe. Qu'il recherche des aides ou des conseils ne l'empêche pas de garder la distance critique nécessaire.
Question 4 :
La question de la séparation des variables ! pour moi, elle n'est pas accessible en primaire : il faut prendre en compte des facteurs qui pour l'élève n'influent pas sur le problème ! J'ai tenté de le faire sur la germination, c'était artificiel et donc pas convaincant : le maître demande de faire comme cela, pourquoi, puisque l'expérience "marche" ? Si on veut que cela vienne des élèves, il faudrait faire suffisamment d'expériences pour que, au moins, une induise la question d'un éventuel facteur non pris en compte.
Réponse :
Je ne pense pas que l'on vous demande « d'inventer des facteurs », mais seulement de retenir ceux que les enfants jugent dans leurs représentations premières comme efficients.
Il est évident qu'un enseignant qui emmène ses élèves dans une recherche a priori, non reconnue par les élèves, est forcément engagé dans une démarche artificielle et donc à proscrire.
Et tant pis si les élèves ne pensent pas à des « faux facteurs », c'est qu'ils ont assez bien analysé le problème.
Cependant, je pense par exemple à des travaux sur la chambre noire où les élèves sont persuadés que la grosseur du trou intervient dans la « grandeur » de l'image (je n'ai pas dit que ce facteur n'agit pas sur la « netteté » puisque c'est le contraire) et là, ils sont dans l'erreur, ce qui reste à tester expérimentalement (attention : c'est assez délicat).
Question 5 :
Que faire quand, par une erreur de manipulation ou dans le protocole prévu par les élèves, une expérience ne conduit pas au résultat attendu par l'enseignant ? On recommence ? Comment le justifier aux élèves : on fait l'expérience jusqu'à ce qu'on trouve le résultat attendu par le maître ?
Réponse :
C'est justement pour cela que les différents groupes communiquent leurs résultats. Il est extrêmement rare que tous les groupes fassent la même erreur. Il y aura confrontation et l'on refera l'expérience pour savoir qui a « juste », après débat critique sur les causes d'erreur.
Il faut favoriser les protocoles différents, mais cela demande du doigté dans la classe et surtout de l'organisation.
Question 6 :

Comment faire pour ne pas mentir aux élèves sur le statut de leur questionnement, de leur démarche et de leurs résultats? pour que les élèves construisent vraiment et non reconstruisent un savoir connu par une démarche fortement orientée par le but à attendre pour l'institution?
Réponse :
Il faut simplement choisir des situations authentiques qui mobilisent VRAIMENT les élèves et soient au niveau de leur propre questionnement.
De nombreux ouvrages existent qui s'appuient sur des cas vécus dans des classes dont vous pouvez vous inspirer.
Soignez aussi vos consignes, questions, points de départ etc., que ce soit crédible pour les enfants.
N'oubliez pas que chaque enfant fait ses propres expériences et redécouvre ou reconstruit ce que d'autres ont fait avant lui.
En partant de l'enfant, de ses questions, interrogations, représentations, vous ne plaquez pas un savoir tout prêt, mais l'aidez à trouver ses solutions « à lui ». Cela ne lui importe pas du tout que ces solutions aient déjà été construites avant lui !
C'est cela l'authenticité.
Vous pouvez aussi compter qu'à un âge donné, les enfants ont généralement les mêmes approches et les mêmes représentations, c'est pourquoi on «refait le monde» chaque année avec sa classe, mais il y a toujours de petites variations. C'est cela qui est passionnant !
Claudette BALPE
didacticienne des sciences

claudette.balpe@wanadoo.fr

mer 30/06/2004 - 03:01
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Les questions que vous posez sont très pertinentes, et sont au coeur du problème de l'enseignement des sciences.
Est-ce que par le biais des sciences on recherche la "vérité"?
Quel est exactement le rôle du maître?
Quelles sont les limites des bonnes intentions formulées dans les programmes ou la main à la pâte?
Pour y répondre, je partirai de constats faits dans différentes situations de classe, à l'occasion de nombreuses expériences de terrain, qui parfois m'ont déçu.
(ces remarques corroborent les constats faits dans le rapport de Monsieur l'Inspecteur Général Christian Loarer, en ligne).

1 - Dans les traces écrites des cahiers, je ne retrouve souvent que des fiches photocopiées et des traces où les élèves ont recopié ce qui était écrit au tableau. Quand j'interroge les maîtres sur cela, ils me répondent qu'ils ont fait le reste à l'oral, mais n'ont pas considéré comme nécessaire de le consigner par écrit. De même ils n'imagineraient pas de placer dans le cahier les écrits maladroits voire illisibles de leurs élèves. Il faut une "belle trace écrite, une parfaite". Premier écueil, mais qui a sa logique. Du coup dans une telle pratique on tend à gagner du temps pour atteindre ses objectifs, ce qui est un piège. La démarche ne figure plus, et l'élève entre dans la logique d'exécution et de contrat didactique.
2 - L'esprit des programmes ou de lamap est souvent mal interprété. Les enseignants ont lu "faire des expériences", et ils ont majoritairement interprété cela comme "manipuler à tout prix", ce qui est une grave erreur. Ainsi les maîtres considèrent que pour faire des sciences il faut forcément que cela passe par des manipulations, mais ils oublient complètement que si manipulation il y a, elle doit être indispensable à la compréhension. On se retrouve dans des situations caricaturales où l'enseignant annonce de but en blanc, après une vague phase de discussion souvent restée orale, que l'on va "faire des expériences", celles-ci étant toutes prêtes sur une fiche photocopiée, avec des cases pour les réponses "attendues". C'est bien là l'enseignant qui veut en arriver à ses fins, et cherche une fois de plus à se rassurer. Décevant.
3 - On retrouve aussi majoritairement une prévalidation des réponses des élèves par l'enseignant du genre "c'est bien, tu as raison". De même on ne marque au tableau que les hypothèses "justes", éliminant d'un revers de main les autres hypothèses jugées absurdes.
L'ensemble de ces attitudes est malheureusement dominant actuellement, même chez des personnes qui pensent comme ils le disent bien faire les sciences.
4 - Les enseignants majoritairement ne respectent pas les horaires dévolus aux sciences. Pour illustration, je prendrai le cas représentatif d'une enseignante cette année : elle a fait en tout 2 thèmes (l'alimentation des animaux et les états de l'eau) en 15 heures en tout plus deux visites (apiculture et nausicca) sans préparation ni suite en 2 journées (10 heures en tout). Soit 25 heures au total. On est bien loin des 80 heures prévues par les programmes, et surtout bien loin d'une démarche d'investigation.

Après ces constats, quelques conseils :
On veut souvent aller trop vite vers les manipulations possibles. Il faudrait au contraire passer plus de temps sur les phases d'approche qui permettent de faire émerger réellement le questionnement des élèves. Sur l'exemple du linge qui sèche, on peut faire des essais pour déterminer les lieux où le linge sèche le plus vite. Dans un premier temps, pas besoin de soucoupes volantes. Les élèves vont pouvoir exprimer leurs conceptions du phénomène et envisager des situations concrètes. De même avec les germinations, on veut souvent avec acharnement en arriver à des expériences comparatives, alors que l'on pourrait dans un premier temps faire en sorte que cela pousse vite et bien, puis se demander ce qui pourrait empêcher que cela pousse.
On néglige donc souvent au nom de la "manip qui marche" le tatonnement expérimental cher à Claude Bernard ou à Célestin Freinet. Or les horaires nous permettent de prendre le temps de réfléchir et de recommencer.

C'est bien là le problème : quel enseignant amène ses élèves à recommencer ses expériences? Si l'expérience va dans le bon sens, tout le monde est heureux, si elle ne va pas dans le bon sens on dit qu'il y a un problème. Affaire classée, on passe au résumé de classe. J'ai l'habitude de conseiller aux étudiants et enseignants de passer plusieurs semaines sur un thème comme la germination par exemple (6 à 8 semaines, et pas deux!).
Sinon, autant ne faire que regarder dans les livres, c'est aussi instructif. D'ailleurs dans la démarche d'investigation, il est logique aussi de regarder dans les livres ou sur les emballages des graines, ou de mener une enquête auprès d'un jardinier, car le savoir scientifique n'a de sens que si les différentes recherches convergent!

J'ai trouvé aussi une attitude surprenante chez des enseignants : attendre coûte que coûte que ce qu'ils veulent entendre sorte de la bouche des élèves. Certains en sont morts déçus, car ils ont oublié que parfois les élèves ont le droit de ne rien avoir à proposer. Cette attitude est aussi caduque car elle traduit un contrat didactique sous-jacent. A mon sens, on doit donc en temps qu'enseignant servir de catalyseur. Permettre que la réaction "apprentissage" se fasse. Cela suppose d'être ouvert aux propositions des élèves, et capable de relancer la recherche en proposant le cas échéant une solution.

 

En conclusion, je crois qu'il faut se recentrer sur l'élément essentiel : l'élève. Que souhaite-t-on pour lui ?
Qu'il apprenne le doute et donne du sens à sa curiosité. Les réponses toutes faites et instantanées du "maître qui sait tout" ne l'aideront pas à développer cette attitude. Utilisons les heures prévues dans l'emploi du temps que nombre d'enseignants qui pourtant sont des fonctionnaires ne respectent pas (avec toutes les bonnes excuses du monde voire parfois la complaisance des inspecteurs!)

On veut qu'il apprenne à écrire, à lire et à s'exprimer : prenons donc le temps de noircir les pages du carnet de sciences, de travailler sur la rédaction de certaines des phrases, sur la confrontation des opinions, sur la recherche dans le dictionnaire et dans des ouvrages simples.
On veut qu'il apprenne des choses : ne nous en tenons pas au constructivisme qui ne garantit pas la mémorisation, même s'il donne un sens aux apprentissages, et faisons apprendre des leçons construites avec les élèves, étendons leur champ de savoir le plus possible.

On veut enfin qu'ils apprennent l'honnêteté intellectuelle, alors cessons de maquiller leurs résultats, même s'ils ne sont pas conformes à ce que l'on voudrait trouver! Pour illustration, je me souviens d'une expérience faite pour montrer qu'une plante absorbe de l'eau, où le niveau du tube témoin sans plante avait plus baissé, et où l'enseignant avait le soir (à minuit?) magouillé pour que les résultats soient les "bons"!! Ayons l'honnêteté d'avouer notre incompréhension, de dire que l'on ne s'y attendait pas, de dire que l'on ne sait pas mais qu'on va réfléchir.
Osons laisser des questions sans réponse, et l'on aura fait un grand pas!!

Je suis donc tout à fait d'accord avec vous, même si ce long texte ne vous apporte pas vraiment de solutions.
Continuez donc à vous interroger, voilà la source d'un enseignement réussi.

ven 02/07/2004 - 03:01
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