Questions aux experts
Matière et matériaux
Qu'est-ce que l'évaporation, qu'est-ce que l'ébullition ?
Après quelques expériences imaginées, montées et réalisées par mes élèves sur les changements d'état de l'eau, une question est restée en suspens...
Le linge étendu sèche et les flaques d'eau de la cour de récréation disparaissent parce que l'eau qu'ils contiennent s'évapore. Or mes élèves ont constaté et admis que l'eau sévapore à partir d'une certaine température, autour de 100°C. Mais l'eau dans le linge qui sèche à l'intérieur de la maison ou sur le fil dans le jardin et encore moins celle des flaques d'eau n'atteint pas cette température. Alors pourquoi s'évapore-t-elle quand même ?
Cette question des températures "types" de changement d'état m'a toujours intriguée : le beurre est dur quand on le sort du réfrigérateur, mou si on le laisse sur la table de la cuisine et liquide si on le chauffe dans la poêle. Mais quand il est mou il a déjà commencé à changer d'état. Alors pourquoi n'est-il pas complètement liquide si je le laisse trois jours sur la table ?
Merci pour vos réponses.
Bonjour,
J'aurais bien aimé avoir plus de précisions sur l'expérience et le débat relatés par la phrase "mes élèves ont constaté et admis que l'eau s'évapore à partir d'une certaine température, autour de 100 °C". Ils ont "constaté" en utilisant une thermomètre ? Où se trouvait l'eau qui s'évaporait ? Ils ont "admis" parce qu'ils l'ont lu ? Parce qu'on leur a dit ?
La description précise des conditions d'une expérience (et celle des élèves semble contredire la vôtre) conditionne l'interprétation qui peut en être donnée... Voici des éléments de réponse qui peuvent aider à s'y retrouver.
Dans la rue, dans la classe, l'eau s'évapore à toute température comprise entre 0 °C et 100 °C. L'évaporation d'une flaque d'eau est plus rapide si l'air est sec et s'il y a du vent, qu'après l'orage, quand l'air est humide. Pendant l'évaporation, la vapeur d'eau (gaz invisible) se mélange à l'air ambiant.
Quand la température de l'eau atteint 100 °C, dans la classe ou la cuisine, un phénomène nouveau se produit : l'évaporation se fait alors qu'apparaissent des bulles dans le liquide (d'où le nom : "ébullition"). L'eau bouillante est surmontée seulement de vapeur d'eau (gaz invisible) qui se refroidit en s'éloignant dans l'air et se "condense" sous forme d'un (petit) nuage.
Les changements d'état comme la fusion et l'ébullition ont lieu pour des pressions et des températures bien définies seulement dans le cas de corps "simples" comme l'eau, l'oxygène, le butane, l'argent... Comme vous l'avez remarqué,ce n'est pas le cas du beurre qui, du fait de sa composition "compliquée", ramollit avant de fondre.
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Cette question me semble d'autant plus pertinente qu'on en a des manifestations sous les yeux en permanence et que très peu de gens pensent à se la poser ! Pour autant, l'explication n'est pas aisée ; je vais essayer de m'y risquer quand-même.
Seul préalable : suivre lentement toutes les étapes du raisonnement en essayant de se glisser (au moins temporairement) dans cette manière de voir les choses...
Un "prérequis" également pour cette explication : savoir qu'un liquide est constitué de "molécules" en contact les unes avec les autres, qui se déplacent et "glissent" en permanence les unes sur les autres, et que le gaz correspondant est constitué des mêmes molécules, mais beaucoup plus agitées et très éloignées les unes des autres.
L'eau est liquide lorsque sa température est comprise entre 0 et 100 degrés à la pression d'une atmosphère. Les molécules de ce liquide (les petits grains qui le constituent) sont en perpétuel mouvement et en contact permanent. Les interactions entre elles se font et se défont à raison de milliards de fois par seconde.
Ces molécules n'ont pas toutes la même énergie (certaines sont lentes, d'autres rapides, qu'il s'agisse de mouvements de déplacement, de rotation ou de vibration) mais leur énergie moyenne est proportionnelle à la température du liquide, ce qui se conçoit assez facilement.
Certaines molécules d'eau ont suffisamment d'énergie pour s'échapper de la surface du liquide : cela se traduit par la présence d'une certaine quantité de molécules d'eau sous forme de gaz au dessus de la surface de l'eau.
La pression totale au dessus du liquide est toujours de 1 bar ; il y a simplement moins de molécules d'air car les molécules d'eau les "poussent" en s'échappant du liquide. Il est possible de faire une analogie avec une foule de danseurs blancs bien répartis sur une piste immense (les molécules d'air). Délimitant la piste, un mur, le long duquel sont assis d'autres danseurs bleus (les molécules d'eau liquide). Si parmi ces danseurs, les plus impatients se lèvent pour se défouler, ils se vont se mélanger progressivement aux autres qui vont s'écarter pour leur laisser de la place.
L'équilibre (entre les molécules d'eau liquides et celles qui constituent le gaz au dessus de la surface) est maintenu par le fait que si certaines molécules d'eau continuent à s'échapper du liquide, d'autres retombent dedans.
Il s'échappe d'autant plus de molécules du liquide que la température est élevée. Dans ce cas, il y en a d'autant plus au dessus de l'eau et il en retombe également d'autant plus par unité de temps : l'équilibre existe toujours mais il a été "déplacé", l'air au-dessus du liquide est simplement plus "humide".
S'il y a du vent et qu'il arrive d'une région de moindre humidité, il déplace ces molécules gazeuses qui se sont échappées du liquide. Celles-ci sont immédiatement remplacées par d'autres, celles qui continuent à s'échapper du liquide parce qu'elles ont l'énergie suffisante, mais sans qu'il n'en retombe dedans puisque le vent est sec.
Première conséquence : l'eau peut s'évaporer progressivement, sans pour autant bouillir.
C'est le premier principe du sèche-cheveux, qui souffle de l'air sec et entraîne l'humidité de l'air qui entoure les cheveux, jusqu'à ce qu'ils soient secs. Attention : pour une efficacité optimale du sèche-cheveux, il faut que l'air qu'il souffle soit bien sec ; ne pas oublier, donc, d'ouvrir la porte de la salle de bains durant l'opération !
Seconde conséquence : l'eau, privée de ses molécules les plus rapides, voit sa température diminuer.
C'est pour cette raison qu'on a froid en sortant de l'eau, que l'on souffle sur la soupe pour la refroidir, que les bédouins utilisent des outres en peau de chèvre à travers laquelle l'eau peut suinter, s'évaporer et donc refroidir l'intérieur, etc.
A présent, on chauffe l'eau. La quantité de molécules qui s'échappent du liquide augmente, et avec elle la proportion d'eau dans l'air, ainsi que le nombre qui retombe dedans par unité de temps.
En cas de vent, l'eau s'évapore donc plus vite, ce que l'on observe facilement expérimentalement.
C'est le second principe du sèche-cheveux : la chaleur apportée par l'air chaud permet de réchauffer l'eau qui sans quoi, privée de ses molécules les plus rapides, aura tendance à se refroidir et donc à s'évaporer moins facilement. Ainsi le système de chauffage du sèche cheveux ne sert pas à faire évaporer l'eau, mais à compenser la perte d'énergie qu'elle subit lorsqu'elle s'évapore sous l'effet du courant d'air. On choisira donc un sèche-cheveux qui souffle fort et chauffe modérément.
Tout d'un coup, l'eau vapeur est présente au dessus du liquide à la pression de 1 bar ; tout l'air a été remplacé par de l'eau. En d'autres termes, tous les danseurs qui s'agitent le long du mur sont bleus, ils ont repoussé les autres car ils sont à présent très nombreux à l'être levés.
Chauffons encore un peu l'eau : il s'échappe encore un peu plus de molécules du liquide et la pression au dessus de lui tend à dépasser 1 bar.
Or cela est impossible : s'il y a plus d'1 bar de pression au dessus de l'eau, il en résulte un mouvement de déplacement de la masse gazeuse vers des zones de plus faible pression ; cette fois, l'eau s'échappe réellement du liquide et s'en éloigne. Autrement dit, les danseurs bleus occupent tout l'espace le long du mur mais avec une densité supérieure à celle des danseurs blancs, au loin là-bas où il n'y a pas de danseurs bleus. Non seulement ils les repoussent, mais ils s'éloignent eux-mêmes du mur, poussés par d'autres danseurs bleus qui se lèvent à leur tour.
Bien sûr, cette pression qu'exercent les molécules d'eau qui s'échappent peut prendre naissance à l'intérieur du liquide : on parle alors d'ébullition
L'eau bout...
Lorsque ces molécules s'échappent, comme auparavant, elles emmènent avec elles de l'énergie du liquide qui par suite, se refroidit. Alors ?
Si de l'eau à sa température d'ébullition est chauffée un tout petit peu, il s'en évapore quelques molécules qui emportent l'excès d'énergie ainsi fourni. C'est la réponse à la question subsidiaire : l'eau bout à température constante.
En ce qui concerne le beurre, je laisse le soin à mes collègues de compléter cette réponse déjà longue, en espérant qu'elle ait été claire (comme de l'eau... de roche !).
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Excellentes questions, auxquelles bon nombre de mes enseignants n'ont pas su répondre au cours de ma scolarité...
Pour l'évaporation de l'eau, je vous propose une petite expérience de pensée. Je sais, normalement à la main à la pâte on doit préférer les VRAIES expériences, mais il est bon parfois de faire fonctionner son imagination pour comprendre la nature des choses.
Prenons un récipient hermétique, rigide et parfaitement vide (c'est-à-dire sans même de l'air à l'intérieur) et remplissons-le partiellement d'eau à la température ambiante (p.ex. 20°C). Il y a donc au début dans ce récipient, de l'eau et du vide. Reste-t-il ainsi ? Non, une partie des molécules d'eau va s'échapper du liquide et former au-dessus de la surface de l'eau un gaz (de la vapeur d'eau) qui vient "remplir le vide". Le processus s'arrête quand ce gaz a atteint une certaine pression. Ainsi, même à température ambiante l'eau liquide est en équilibre avec un peu de vapeur d'eau. Le processus est analogue dans l'air ; c'est ce qui permet de faire sécher le linge, et ce qui explique qu'il sèche mieux dans le vent que dans une pièce fermée : l'évaporation est d'autant plus rapide qu'on évacue les molécules d'eau pour empêcher la "pression de vapeur d'eau" de monter.
Au-dessus de 100°C et à la pression atmosphérique standard, ce n'est plus une simple évaporation mais une ébullition qui se produit, c'est-à-dire que l'eau ne peut plus exister sous forme liquide. Il n'y a plus équilibre entre liquide et gaz, toute l'eau passe sous forme de vapeur.
Pour le beurre, c'est beaucoup plus complexe. Il ne s'agit pas d'un corps pur comme l'eau, et il n'y a donc pas de raison que ses propriétés changent de façon brusque avec la température. Le beurre est une émulsion d'eau dans du gras (l'inverse du lait, en simplifiant!) et leur association donne des propriétés mécaniques assez subtiles qu'on ne peut pas expliquer simplement.
[Ndlr]
Nos ressources en lien avec ce sujet : L'évaporation