Questions aux experts

Les femelles de grillon prêtes à pondre enfoncent leur tarière dans le sol et déposent les œufs en profondeur. Le développement embryonnaire achevé, l'insecte qui éclot, de couleur claire et de quelques millimètres de long, ressemble à un grillon dépourvu d'ailes et de pièces génitales, si bien qu'il est difficile de déterminer quel est son sexe. Il a déjà subi une mue avant de sortir de l'enveloppe de l'œuf mais cette mue est atypique et ne sera pas décrite ici. Quelques heures après l'éclosion, la cuticule a pris une couleur foncée (plus ou moins selon qu'il s'agit d'un grillon champêtre ou d'un grillon domestique... ou d'une autre espèce). Ce jeune de premier stade se déplace et part à la recherche de nourriture.

Plusieurs jours après, alors que son poids a doublé, il cesse de s'alimenter. Une mue se prépare. A un moment donné, il s'immobilise, la cuticule sombre se fend sur la ligne médiane du thorax, derrière la tête. Par l'ouverture de la fente apparaît la nouvelle cuticule en cours d'élaboration, elle est blanche. La fente se prolonge, d'une part sur la ligne médiane et sur l'avant de la tête, d'autre part sur le dos du thorax puis de l'abdomen. Le jeune du deuxième stade s'extrait progressivement de l'ancienne cuticule qui est rejetée et se fripe. Les antennes, les pièces buccales, les pattes s'extraient à mesure que l'insecte s'extrait. Après libération de l'ancienne cuticule, le jeune est de couleur claire, la cuticule s'assombrit dans les heures qui suivent puis l'insecte recommence ses activités, en particulier à la recherche d'aliments.

La mue comprend en fait une série d'événements :

(1) des processus qui précèdent la sortie hors de l'ancienne cuticule, ils sont invisibles de l'extérieur : des hormones sont libérées dans le sang, elles déclenchent ce qui suit - les cellules de l'épiderme se multiplient - la cuticule se sépare de l'épiderme - celui-ci sécrète des enzymes qui permettent la digestion d'une partie de l'ancienne cuticule, les matériaux obtenus par cette digestion seront utilisés pour la sécrétion de la nouvelle cuticule - l'épiderme sécrète les fines couches les plus superficielles de celle-ci, qui sont extensibles.

(2) la mue proprement dite, c'est-à-dire l'extraction hors de ce qui reste de l'ancienne cuticule (vient d'être décrit). C'est le moment le plus risqué pour l'insecte.

(3) des processus qui suivent l'extraction : expansion de la nouvelle cuticule, nécessaire du fait de la prise de poids - différenciation des régions dures et de celles membraneuses + pigmentation de la cuticule + sécrétion des dernières strates de la nouvelle cuticule, qui dure plusieurs jours.

L'examen à la loupe de l'ancienne cuticule montre qu'il ne s'agit pas seulement d'un vieil habit rejeté parce que trop étroit : toute la cuticule visible de l'extérieur a certes été renouvelée en plus grand, mais aussi la fine cuticule qui borde l'intérieur des trachées (tubes respiratoires ramifiés dans tout le corps), plus la cuticule qui revêt l'intérieur du premier tiers et du dernier tiers du tube digestif.

Un moyen simple de savoir si un grillon a mué ou non est de le marquer sur un côté du thorax, derrière la tête, par une petite tache de couleur contrastée (vernis à ongles, Tippex): si cette marque tient bien à la cuticule, il suffit de constater quelle a disparu pour affirmer que l'insecte a mué.

A l'examen attentif du jeune du deuxième stade, de petits lobes sont distincts sur les côtés du deuxième et du troisième segments du thorax: ébauches des ailes.

Plusieurs jours après la mue décrite, les mêmes processus recommencent, un jeune de troisième stade apparaît, pourvu débauches d'ailes plus grandes.

Chez la plupart des espèces de grillons, le développement comprend ainsi dix stades séparés par des mues. Des particularités:

(1) si le jeune est une femelle, l'ébauche de la tarière de ponte apparaît près de l'extrémité de l'abdomen, elle s'allonge de stade en stade.

(2) les ébauches des ailes s'accroissent de stade en stade avec une particularité : leur orientation change au cours de la mue entre le troisième stade et le quatrième.

Dans les mêmes conditions d'élevage, le dixième et dernier stade dure deux fois plus longtemps que le précédent. La dernière mue est particulièrement spectaculaire du fait que les ailes se déploient.