Questions aux experts
Ciel, Terre, Univers
Méthodes d'observation et d'analyse des représentations des enfants en astronomie
Je suis actuellement en formation IUFM 2ème année et j'effectue un travail avec des cycles 3 en astronomie.
Je cherche à travailler sur des méthodes d'observation et d'analyse des représentations d'enfants.
Après plusieurs lectures je me rends compte qu'il n'y a pas d'outils pratiques pour analyser les différents niveaux de représentations et d'obstacles chez l'enfant.
Je ne prétends pas mettre au point des techniques efficaces je n'ai pas les compétences et encore moins l'expérience nécessaire.
Pourriez-vous me donner des références bibliographiques ou tout autre renseignement qui vous semblerait intéressant pour relancer ma réflexion.
Concernant le problème qui vous préoccupe vous trouverez quelques clés d'analyse dans le chapitre "Représentations et obstacles aux apprentissages" dans l'ouvrage de Astolfi, Peterfalvi, Vérin, Comment les enfants apprennent les sciences, chez Retz.
L'entreprise d'analyse des représentations est ambitieuse. Si la représentation recueillie sous forme de mots, schémas, est la traduction matérielle de la pensée et des idées de son émetteur (un peu comme le serait une photographie d'un paysage), elle n'en est pas la transcription directe et dépend essentiellement des conditions de "prise de vue". Il est certes intéressant de recueillir des représentations, mais pour en faire quoi ?
Quelques réflexions à ce sujet en Astronomie :
les représentations recueillies sont parfois floues :
Les enseignants pensent souvent que la première étape d'une démarche d'investigation est un recueil de représentations (suivant l'expression mal comprise, il faut partir des représentations). Par exemple, commencer une séquence sur la Lune par une discussion collective (genre brainstorming) sur ce que "l'on sait de la Lune" et noter au tableau au fur et à mesure les idées émises, aboutit à une liste d'idées qui n'ont pas valeur de représentations :
L'image est floue car le collectif donne une image qui est plutôt une mosaïque d'idées. De plus l'oral est très sélectif.
L'objet pour lequel on veut recueillir des représentations est également flou. A ce stade, la Lune est un objet sans grande réalité physique et très lié à l'imaginaire.
Cette phase, même si elle ne peut être qualifiée de recueil de représentations est cependant utile, elle peut permettre de soulever des questions : quand, comment et pourquoi La Lune change-t-elle de forme ?
Des origines de représentations diverses :
Prenons un exemple précis : dans une classe de cycle 3, une enseignante, après avoir organisé un moment d'échanges informels sur la Lune à partir de supports variés : tableaux, recueils de poésie, albums, liste les questions que se posent les enfants sur la Lune. Ces questions sont classées suivant 3 rubriques : "Comment, Pourquoi et quand la Lune change-t-elle de forme ?". Elle les invite ensuite, par groupe, à donner une explication sur le fait que "la Lune change de forme". Les explications des différents groupes sont les suivantes :
Au cours de la nuit, la Lune grossit de plus en plus avant de diminuer.
Ce sont les nuages qui cachent la Lune.
La nuit avance sur la Lune,
la Terre fait de l'ombre à la Lune,
ça dépend de la place de la Lune et de la Terre.
Pour certains, la Lune est l'astre de nuit, d'autres donnent une explication par analogie d'après ce qu'ils connaissent du Soleil (quand le Soleil est masqué par les nuages, il disparaît), d'autres encore utilisent des connaissances que leur apportent les différentes médias (mais c'est du savoir en miettes qu'il faut réorganiser. Depuis l'éclipse du 11 août les enfants ont des schémas en tête ; il leur faut rebricoler ces modèles pour expliquer les phases de la Lune, en s'appuyant sur les faits d'observation). La plupart réalisent un mixte entre ce que l'observation dans la vie de tous les jours de cet objet leur a apporté et les informations qu'ils ont pu collecter ici ou là.
D'une manière générale, chaque représentation possède sa propre logique et on ne peut en faire qu'une interprétation, d'où la limite de leur analyse. En revanche, pour l'enseignant, le fait de les recueillir va lui permettre de se constituer un guide d'action.
D'une manière générale, certaines représentations tombent rapidement à l'issue d'un débat à condition que les élèves argumentent. D'autres vont être remises en question et conduire à la nécessité d'observer avec un problème à résoudre.
Ainsi, l'idée que "ce sont les nuages qui cachent la Lune" suscite des arguments du type :
"Oui, mais moi j'ai déjà observé la Lune le jour sans nuage et elle était pas entière"
et des réactions d'autres élèves, ceux en particulier qui associent la Lune à l'astre de nuit :
"Non, c'est pas possible, la Lune, elle disparaît le matin."
D'où la nécessité d'observer pour préciser la question "Comment et quand la Lune change-t-elle de forme ?"
L'observation étant longue et souvent aléatoire, elle pourra être précédée de l'exploitation d'un document (simple calendrier), puis des éphémérides du calendrier des Postes par exemple pour préciser les idées : la Lune ne se lève pas tous les jours à la même heure, sa forme évolue sur une lunaison (29 jours). Les informations données par le document ne court-circuiteront pas l'observation, elles la rendront plus active, permettant une planification (sur la durée, répartition des tâches) des observations pour vérifier les apports du document.
Ensuite pourra être abordée la question du pourquoi ?
Des pièges à éviter :
- Enferrer les élèves dans leurs propres représentations.
Si, comme on l'a vu à partir de cet exemple, le fait de faire émerger les représentations est une base à partir de laquelle l'enseignant, en mettant en débat certaines questions, va permettre à la classe de soulever et de s'approprier des problèmes à résoudre et aussi d'établir un ordre de traitement de ces problèmes, cette façon de pratiquer n'est pas unique et elle ne constitue en aucun cas un modèle de fonctionnement à reproduire quel que soit le sujet d'étude. Cependant, la stratégie qui consisterait ici à établir des groupes d'opinions convergentes à partir des représentations émises conduirait probablement rapidement à un enlisement faute de s'être suffisamment familiariser avec l'objet d'étude (ici, observation de la Lune).
- Tout redécouvrir.
On ne peut pas tout redécouvrir tout seul. Concernant l'astronomie, les enfants savent que la Terre est ronde, qu'elle tourne sur elle-même, quelle tourne autour du Soleil. En revanche ils en ignorent les conséquences. C'est donc la mise en relation qu'il faut travailler (le phénomène de jour et nuit est dû à quoi : rotation de la Terre, révolution autour du Soleil, aux deux phénomènes ? Il faut alors manipuler les maquettes, bricoler, essayer, constater les difficultés pour tirer une conclusion, et être ainsi confronté au débat historique.)
L'observation en astronomie renforce des obstacles.
Concernant par exemple le phénomène de jour et nuit, certains enseignants négligent la phase d'observation par crainte de renforcer de fausses représentations. C'est pourtant une réalité, le Soleil se lève vers l'Est (pas toujours à l'Est) monte dans le ciel, atteint son point culminant (et pas le zénith) à midi solaire, puis redescend et se couche vers l'ouest. Cette réalité est importante à découvrir pour la vie de tous les jours, et c'est aussi à partir de cette réalité qu'on testera différents modèles explicatifs pour tenter d'expliquer la course du Soleil dans le ciel.
Des obstacles :
Il n'en reste pas moins vrai que certaines représentations constituent de véritables obstacles, la preuve c'est qu'il ne sont pas véritablement franchis chez certains adultes.
Les saisons sont dues au rapprochement ou à l'éloignement du Soleil et de la Terre (oui, mais la Terre est au plus près du Soleil début janvier).
Les habitants de l'hémisphère Sud devraient avoir la tête en bas, pourquoi les océans, surtout ceux de l'hémisphère Sud ne se vident-ils pas ?
Ces obstacles sont liés à la modélisation de la Terre : l'objet Terre est modélisé par un globe posé sur la Terre, d'où l'impression que pour cette Terre il existe un haut et bas et une verticale, celle du lieu considéré.
Enfin, pour en savoir plus sur le sujet, vous pouvez bien sûr lire la thèse d'Hélène Merle ou l'ouvrage de Rolando, CDDP de Haute-Savoie. Bon courage pour votre entreprise.