Questions aux experts
Biologie végétale
La souffrance des plantes
Étant enseignants à l'école Pierre Loti d'Istanbul, (eh oui, vous êtes même consultés en Turquie !) nous voudrions vous soumettre les questions suivantes, suite à un travail de réflexion que nous avons mené en conseil de cycle III :
Dans nos programmations de cycle, nous rejetons l'idée de faire souffrir des êtres vivants en tentant des expériences selon la méthode expérimentale. Comment donc aborder les questions relatives au vivant et à son fonctionnement sans être obligé de planter des graines dans des conditions difficiles pour la vie de la plante (par exemple) ?
En fait, quelles sont les limites éthiques à la méthode expérimentale ?
Le problème de l'expérimentation sur les êtres vivants est un problème aujourd'hui largement débattu et qui a trouvé des réponses institutionnelles en ce qui concerne les organismes animaux et l'Homme.
D'une part quatre lois ont été votées respectivement en 1988 (Loi dite Huriet-Sérusclat sur la protection des personnes participant à des essais thérapeutiques) et en 1994 (Lois dites de Bioéthique) qui encadrent strictement l'expérimentation thérapeutique chez l'Homme et l'utilisation des produits du corps humain, la procréation médicalement assistée (avec les retombées juridiques qui en découlent sur le droit de la filiation) et l'utilisation des tests génétiques. Pour ce qui concerne la protection de l'animal, il s'agit essentiellement des directives européennes sur les conditions d'utilisation de l'animal, ses conditions d'hébergement (animaleries) et les textes réglementaires portant sur leurs mises en application en particulier pour la formation des techniciens, ingénieurs et chercheurs qui travaillent sur l'animal.
Il est rare que la question soit étendue aux autres êtres vivants en particulier les plantes, mais pourquoi pas également les bactéries, algues, lichens, ... De fait l'expression utilisée dans la question "faire souffrir des êtres vivants" est à l'origine de bien des ambiguïtés. La souffrance est un mot qui fait partie du vocabulaire psychiatrique et qui concerne des patients qui sont dans un état de souffrance morale et psychique quelle qu'en soit la cause. Ce peut être une douleur chronique bien sûr, mais ce mot est plutôt utilisé dans l'acception que je viens de mentionner (état de souffrance morale et psychique qui peut trouver son origine par exemple dans la perte d'un conjoint ou d'un parent proche, d'un divorce ou d'une séparation mal vécu, de la perte d'un emploi...). Alors que, si je comprends bien la question, celle-ci fait plutôt référence à la douleur, qui est une émotion, c'est à dire une sensation perçue à la suite d'une stimulation de haute intensité susceptible de porter atteinte à l'intégrité de l'organisme (brûlure, blessure, lésion chirurgicale...). Ce raisonnement est difficilement applicable aux plantes dans la mesure où le domaine des émotions est inconciliable avec ce que l'on connaît aujourd'hui de la physiologie des plantes, en particulier parce que a priori on n'a pas décrit chez ces organismes vivants de système nerveux central. Il n'y a donc pas de limite éthique à la méthode expérimentale dans le domaine végétal.