Séance à caractère expérimental sur l'évolution de l'homme

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Séance à caractère expérimental sur l'évolution de l'homme

Bonjour
Je prépare le CRPE 2004 en candidate libre. Je travaille sur les sujets proposés l'an dernier dans l'académie d'Aix Marseille. L'un d'entre eux me pose problème. Il s'agit d'un sujet sur l'évolution de l'homme. Il faut présenter une séance à caractère expérimental en école primaire.
Matériel disponible : 3 reconstitutions de crâne (Australopithèque, Homo erectus et Homo sapiens actuel), un mètre ruban, de la pâte à modeler, un entonnoir, du riz, 2 éprouvettes graduées de 1 litre.
J'ai imaginé une séance en cycle 3 pour pemettre de se rendre compte de l'évolution de l'homme : mettre le riz dans les crânes et comparer le poids de riz nécessaire pour chaque crâne et mesure du périmètre crânien avec le mètre-ruban. Est-ce une expérience intéressante d'après vous? Y en a-t-il d'autres?
Merci d'avance pour votre aide.

Tue 17/02/04 - 13:00

Bonjour,
Le concepteur du sujet que vous évoquez semble avoir sa petite idée. Reste à prouver que des élèves de cycle 3 sont capables d'émettre les hypothèses que le concepteur attend, c'est-à-dire que le volume cérébral reflèterait le degré d'évolution et d'intelligence (hypothèse très dicutable).
D'un point de vue scientifique, il y a une dérive évidente qui consiste à vouloir généraliser sur l'étude d'un exemple! On sait aujourd'hui qu'au sein d'une population il y a de grandes disparités pour un caractère morphologique donné (prenez la taille par exemple). Il faudra bien sûr confronter les hypothèses faites avec des documents qui permettent de connaître les moyennes des tailles et volumes internes des crânes des différentes espèces.
Dans les séances précédant celle qui vous est demandée, on pourra partir d'une discussion sur nos prédécesseurs assortie du questionnement : qu'est-ce qui a changé entre les ancêtres (supposés!) des humains et nous?
Les élèves feront des propositions et on pourra s'appuyer sur des reconstitutions (gravures) pour valider et compléter.
Par la suite on pourra rappeler le travail précédent, puis proposer aux élèves d'observer les crânes (en les datant et en précisant qu'il s'agit d'un individu à chaque fois parmi tant d'autres!). Ont-ils des ressemblances, des différences? Les élèves pourront travailler individuellement et constituer un tableau de comparaison (nombre de dents, forme du crâne, autres). Un dessin d'observation sera possible
Dans une troisième séance (la vôtre) si les élèves ne l'ont pas évoqué avant, vous pouvez proposer de comparer aussi la taille des crânes, et de chercher à comparer aussi la taille du cerveau qui se trouvait à l'intérieur. Les élèves peuvent alors chercher sur le papier une méthode qui permettrait de le faire, voire indiquer a priori les valeurs qu'ils pensent trouver.
Vous pourrez leur faire noter ces éléments dans leur cahier d'expériences et d'observations, leur proposer votre matériel, et leur demander à quoi ce matériel pourrait être utilisé.
Sur ce point, vous évoquez la masse, mais je pense que c'est le volume de riz qui sera à évaluer avec l'éprouvette. Pour le mètre-ruban, je suis d'accord avec vous. Reste à bien le positionner pour trouver le périmètre maximal.
Pour exploiter ces données, il faudra revenir à des documents qui indiquent les capacités de chaque espèce : y a-t-il un lien entre volume du cerveau et créativité? Ce point sera compliqué pour les élèves, et surtout discutable.
Je vous conseillerais de ne pas trancher (la tête...?).
Je trouve quand même ce travail tiré par les cheveux. Est-ce bien scientifique de vouloir faire retrouver aux élèves une conclusion discutable et généraliser sur un exemple? A vous de juger!
Pour moi seule la comparaison a de l'intérêt, sans chercher à en tirer des conclusions.

sam 21/02/2004 - 02:01
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Bonjour,

Permettez-moi d'ajouter quelques remarques inspirées par ma modeste expérience pratique en ce domaine.
J'ai constaté que les reconstitutions de crânes disponibles dans le commerce (Australopithèques, Homo fossiles) n'étaient pas toujours creuses: ce sont parfois des moulages pleins, donc dépourvus de cavité interne. Par contre, les véritables crânes en os (par exemple les crânes humains contemporains ou les crânes de chimpanzé) présentent un espace intérieur que vous pourrez remplir de riz pour estimer la capacité crânienne.
Dans le cas où vous n'auriez que des moulages pleins, vous pourriez estimer le volume crânien total, à défaut de la capacité crânienne. Certes, ce volume est très supérieur à la capacité crânienne, mais sa mesure permet tout de même de faire des comparaisons entre les différents crânes. Comment le mesurer? Le plus simple est de plonger le crâne dans un récipient transparent, de recouvrir d'eau, de noter avec un feutre la limite de l'eau sur les parois, de sortir le crâne, de noter au feutre la nouvelle limite de l'eau, de mesurer la différence des hauteurs d'eau pour calculer le volume total du crâne immergé. On recommence ensuite la mesure pour tous les crânes proposés.
Vous pourriez aussi étaler la pâte à modeler ramollie à l'aide dune bouteille faisant office de rouleau à pâtisserie en une couche pas trop épaisse pour envelopper les crânes au plus près, puis mettre quelques minutes au réfrigérateur pour laisser durcir, avant de décoller délicatement la pâte adhérant au crâne et remplir de riz le moulage ainsi obtenu. En versant le riz dans les éprouvettes, vous obtiendriez une mesure approximative du volume global crânien. Bien sûr, cela nest pas très aisé à mettre en œuvre, mais vous utilisez le matériel mis à votre disposition !
Avec les enfants, la comparaison de résultats obtenus par différentes méthodes peut être intéressante et faire l'objet d'un débat critique.
Si les crânes sont creux, la pâte à modeler bien souple placée à l'intérieur peut servir à confirmer les résultats obtenus avec le riz. Ce n'est pas le poids qui est important, mais le volume occupé.
Avec le mètre ruban, il est possible de faire d'autres mesures: la hauteur et la largeur de l'orbite, la hauteur (entre nez et mâchoire supérieure) et la largeur de la face!
Un tableau de comparaison des différents crânes pourra ainsi être élaboré. En classe, les résultats de chaque groupe d'enfants seront éventuellement consignés sur une affiche murale.

Vous le savez bien, la confrontation perpétuelle des idées et des faits est au cœur de l'activité scientifique. Maintenant, comme le souligne fort justement Daniel Plumet, demandons-nous ce que ces activités peuvent signifier pour les enfants de l'école primaire. En quoi cette étude de trois exemples (seulement !) a-t-elle un intérêt pour la formation de l'esprit scientifique ? Comment accéder aux théories sous-jacentes qui permettent de guider l'interprétation des observations effectuées ?
A partir de ces données diverses obtenues sur les crânes fossiles ou contemporains, il serait utopique de vouloir établir (ou même valider) des liens de parenté entre espèces de la lignée humaine. Cet objectif semble déjà fort ambitieux en Terminale scientifique (voir par exemple Nathan, 2002 p.67) ! De plus, ces liens de parenté n'ont rien d'évident et sont actuellement encore sujets de controverses pour les scientifiques eux-mêmes.
Par contre, les enfants peuvent constater que des crânes fossiles ressemblent à ceux de l'homme actuel. Identifier les points communs, puis mesurer les caractéristiques des différents crânes - pris comme exemples individuels - peut donc être un objectif scientifiquement acceptable en cycle 3.

Ajoutons quelques précisions importantes sur l'évolution humaine qui pourraient vous éviter de tomber dans certains pièges courants. Il serait erroné d'affirmer que l'Australopithèque a été l'ancêtre d'Homo erectus, ou que ce dernier est l'ancêtre de l'homme actuel (Homo sapiens).
Certes, les scientifiques admettent que toutes les espèces vivantes actuelles et toutes les espèces fossiles ont des liens de parentés. Et d'une manière générale, on peut supposer que des espèces sont d'autant plus proches qu'elles partagent davantage de caractères communs. Certaines espèces ont disparu : on ne retrouve que leurs traces fossiles. Mais attention ! Une espèce fossile ne peut jamais être considérée comme l'espèce ancestrale à partir de laquelle se sont différenciées les espèces postérieures. Sur les arbres phylogénétiques, rappelons-le, les ancêtres communs représentés sont hypothétiques, définis par l'ensemble des caractères dérivés partagés par des espèces qui leur sont postérieures.

Bien sûr, l'homme ne descend pas du chimpanzé (ils sont au même niveau évolutif), mais l'un comme l'autre ont un dernier ancêtre commun récent à l'échelle de l'histoire du vivant, un « singe » (inconnu !) qui existait probablement il y a 7 à 10 millions d'années.

La « lignée humaine », actuellement représentée par une seule espèce (nous sommes ici, avouons-le, à la fois juge et partie !) est buissonnante puisqu'elle contient deux genres, les Australopithèques et les Homo, eux-mêmes constitués de plusieurs espèces dont certaines ont vécu à la même époque. Les Australopithèques ont existé entre 4 et 1 million d'années avant la période actuelle, et les Homo les plus anciens (Homo habilis) vivaient il y a 2,5 millions d'années. Vraisemblablement, les Australopithèques formeraient un rameau de la lignée humaine détaché assez tôt des Homo.

Une question reste posée. Comment se fait-il que les fossiles de la lignée humaine, fréquemment (et abusivement) présentés par les medias comme des ancêtres de l'homme, soient si abondants, alors que les fossiles de la lignée du chimpanzé semblent si rares? Parce qu'ils n'intéressent personne (il est plus intéressant pour un paléontologue de placer sa découverte dans la lignée humaine !) ou parce qu'ils n'ont pas été fossilisés ? Les paléontologues se heurtent à des difficultés pour classer les fossiles. En effet deux individus appartiennent à une même espèce s'ils sont capables de se reproduire et d'avoir des descendants fertiles. Mais comment savoir si deux individus fossiles appartiennent à une même espèce, alors même qu'on ne peut pas avoir accès à ce critère d'aptitude à se reproduire, puisque les espèces ont disparu. En se fondant uniquement sur des caractères morphologiques, on se heurte nécessairement à des incertitudes : pourrait-on imaginer en retrouvant uniquement leurs squelettes dans quelques millions d'années qu'un tout petit Pygmée et un Européen scandinave géant faisaient partie de la même espèce ?

Pour finir, et revenir à notre sujet de départ, précisons les caractères dérivés partagés par les espèces appartenant à la lignée humaine : la bipédie tout d'abord (faculté de se déplacer sur les deux membres postérieurs, les membres antérieurs étant libérés de tout rôle locomoteur) acquise par les Australopithèques, et puis des caractères crâniens (ceux que vous avez à étudier ici !) : augmentation du volume crânien (plus de 900 centimètres cubes) et réduction de la face acquise par les Homo (la capacité crânienne des Australopithèques connus restant faible, voisine de 450 centimètres cubes).

J'espère que tout cela pourra vous aider. Sans concept sous-jacent sur l'évolution des espèces, cette activité risquerait de relever davantage de la manipulation gratuite que de l'expérimentation. Surtout, n'hésitez pas à poser d'autres questions si certaines explications vous semblent obscures.

dim 22/02/2004 - 02:01
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